L’équipe pédagogique de RCN Justice & Démocratie s’est rendue au Rwanda avec un groupe de six enseignant·e·s francophones en mars 2019. Ce projet, financé par la Fédération Wallonie Bruxelles, s’inscrivait notamment dans le cadre des 25 ans des Commémorations du génocide des Tutsi au Rwanda. L’objectif ? Permettre un échange de bonnes pratiques et de méthodologies entre les enseignant·e·s belges du secondaire supérieur et leurs homologues rwandais en ce qui concerne la transmission de la mémoire du génocide des Tutsi, mais aussi des violences de masse en général.

Transmettre la mémoire du génocide, un enjeu pour les enseignant·e·s

Les enseignant·e·s sont souvent désemparés face à ce genre de thématique. Ils reconnaissent l’importance d’aborder le sujet avec leurs élèves mais ne savent souvent pas comment faire, ce qui les amène soit à faire appel à un intervenant externe, soit à mettre de côté cette thématique.

Durant une semaine, nous avons ainsi rencontré trois groupes de professeurs et élèves de trois écoles différentes mais également des acteurs institutionnels (comme la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide ou la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation) et des associations locales (Association Modeste et Innocent et LIWOHA).

A travers ces échanges, les enseignant·e·s ont pu mieux percevoir l’ensemble des données relatives au génocide des Tutsi au Rwanda. Nous avons discuté des éléments qui ont conduit à cette violence de masse, ce qu’il s’est passé durant la période de génocide en elle-même mais aussi du Rwanda d’aujourd’hui : comment les Rwandais arrivent-ils à vivre en paix, après avoir connu un génocide de proximité[1] ? Cette meilleure compréhension des faits est un premier élément important pour que les enseignant•e•s belges puissent aborder cette question avec leurs élèves.

[1] Cette notion faire référence au fait que ce sont des voisin·e·s, des familles, des ami·e·s qui se sont entretué·e·s.

Violences de masse : comment en parler ?

Outre la présentation des faits historiques, comment parler des violences de masse avec des élèves (ou tout autre groupe de jeunes) ? Nous avons dégagé quelques pistes durant nos échanges, que nous partageons dans cet article.

1. Croiser les regards

Croiser les regards, que cela soit au niveau des sources utilisées (diversité des documents et de leur provenance) mais aussi en abordant cette thématique de manière transdisciplinaire est très important. Un travail transversal peut se mettre en place entre un professeur d’histoire, de géographie, de sciences sociales, d’éducation à la philosophie et citoyenneté, de français, d’art… Cela permet de multiplier les points de vue sur la question (chacun apportant son expertise) mais aussi le type de document utilisé et donc d’avoir une compréhension la plus large possible de la violence de masse étudiée. Cela peut également ensuite donner lieu à un projet global, de l’école, permettant de sensibiliser l’ensemble des élèves à cette question. Cette diversité des points de vue doit également permettre aux élèves d’exercer leur esprit critique.

2. Faire venir des témoins

La venue d’un témoin reste un moment particulier quand on aborde des sujets comme celui-ci. Le rapport au génocide change totalement, il nous rapproche un peu plus de cette dure réalité, il lui donne un côté plus humain. Cela permet également aux élèves d’avoir des réponses à des questions auxquelles les enseignant·e·s, éloignés géographiquement et temporellement de cette réalité, ne sauraient pas répondre.

Il est toutefois à noter que le choix du témoin est important. Il faut prendre le temps de le rencontrer en amont, d’écouter son histoire, son point de vue sur la question. La parole d’un témoin a souvent une influence forte sur les élèves et son discours va influencer la perception qu’ils auront des faits relatés. Si ce discours est empreint d’un minimum de haine, de rancœur ou d’esprit de vengeance, alors cette rencontre peut s’avérer contre-productive.

3. Visiter des lieux de mémoire

Que cela soit les enseignant·e·s belges ou les enseignant·e·s rwandais, tous sont d’accord sur le fait qu’il faut se rendre sur les lieux de commémoration. L’enquête menée auprès des enseignant·e·s belges le prouve, la visite des lieux de commémoration fait partie des visites qui les ont le plus aidés à comprendre le génocide des Tutsi au Rwanda. La Belgique compte évidemment des lieux de commémoration pour la Seconde Guerre Mondiale mais on peut également se rendre sur des sites de commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda comme la stèle érigée en 2004 à Woluwe-Saint-Pierre.

4. Mettre en contexte

Il est essentieI de mettre en contexte les événements abordés en classe. Par exemple, le génocide des Tutsi au Rwanda ne peut être réduit aux 100 jours de massacre. Présenter ce génocide en dehors de son contexte serait omettre une partie de l’Histoire du Rwanda mais également des clés de compréhension de ces événements. Alors, parler du génocide des Tutsi au Rwanda nous amène inévitablement à parler de notre propre Histoire, de la période coloniale et de nos responsabilités dans l’horreur qui a touché le pays. Il ne faut en effet pas oublier que c’est lors de la période de colonisation belge que les cartes d’identité ethniques ont été introduites au Rwanda. La mise en place d’un génocide est un phénomène complexe : il est le produit de l’enchaînement de plusieurs facteurs qu’il faut bien identifier pour en comprendre la réelle portée.

5. Faire des parallèles avec le présent

Les cas du Rwanda, du Cambodge ou encore du Burundi peuvent paraitre totalement irréels ou trop lointains pour les jeunes. Quand vous abordez ces violences de masse, il est alors toujours important de faire des parallèles avec la société d’aujourd’hui, celle que les jeunes résidant en Belgique connaissent.

© Picture from flickr – Photographer Philip Kromer/mrflip – Wikimedia
Quand vous décortiquez les mécanismes qui ont mené à ces violences de masse, faites prendre conscience aux élèves que certains d’entre eux (stéréotypes, discrimination, polarisation…) restent présents dans nos sociétés actuelles, qu’il est alors important que chacun développe un esprit critique et une conscience vigilante pour détecter ces mécanismes, les éviter mais aussi devenir des citoyens actifs et responsables. Vous pouvez également comparer différentes violences de masse comme la Shoah et le génocide des Tutsi au Rwanda. Il ne s’agit pas ici d’établir un niveau de gravité pour chacun mais de mettre en avant à la fois les spécificités et les points communs de ces deux génocides. Cela vous permettra de renforcer l’idée selon laquelle les mécanismes qui mènent aux violences de masse ne sont pas propres à un pays ou un continent mais qu’ils peuvent être mis en œuvre partout, dès lors que certaines conditions sont réunies.

Adapter la méthodologie à sa classe

Il n’existe pas de méthode parfaite qui pourrait être répliquée partout et en tout temps : veillez à adapter la méthodologie à votre classe. L’enseignant·e doit prendre en compte sa propre personnalité, ses compétences et sa compréhension du contexte mais aussi le public qu’il a en face de lui : âge, niveau de maturité, présence éventuelle de Rwandais (ou d’enfants provenant d’autres pays ayant connu des violences), confiance mutuelle…

Noémie Grégoire, chargée pédagogique, RCN Justice & Démocratie

Passer à l’action

Décidé·e vous aussi à parler des violences de masse dans votre classe ? RCN Justice & Démocratie peut vous accompagner dans cette démarche ! Nous pouvons venir vous présenter les outils que nous utilisons pour aborder la question des violences de masse dans nos ateliers et vous aider à les utiliser ou alors, animer des ateliers dans vos classes.

En savoir+

Retrouvez l’offre pédagogique de RCN Justice & Démocratie sur notre site internet :

http://www.rcn-ong.be/-Europe-?lang=fr.

Un rapport sera également publié prochainement afin de retracer plus en détails les échanges que nous avons eus au Rwanda et les pistes pédagogiques dégagées. Nous restons également à votre disposition pour toute information complémentaire.

RCN Justice & Démocratie
Boulevard Adolphe Max 13-17 bte 8, 1000 Bruxelles, Belgique
+32(0)2.347.02.70
noemie.gregoire@rcn-ong.be
www.rcn-ong.be

Pin It on Pinterest

Share This