Né il y a déjà 30 ans sous la plume de Kimberley Crenshaw, ce concept mal compris reste essentiel dans l’analyse des inégalités vécues par les femmes. Comment l’intersectionnalité permet-il de comprendre les multiples discriminations?

Des femmes à l’intersection de plusieurs systèmes de domination

En 1989, la juriste américaine Kimberley Crenshaw introduisait le terme d’intersectionnalité dans un essais maintenant célèbre qui deviendra central pour les chercheurs·euses afro-féministes d’abord, puis pour le monde académique et militant dans son ensemble. À la base de ce concept, une constatation simple: aux États-Unis, les femmes noires qui voudraient porter plainte pour discrimination doivent choisir entre porter plainte pour sexisme ou racisme. Or, comme l’explique la juriste Stéphanie Hennette-Vauchez citée dans Libération:

«Si elles se présentent comme victimes de discriminations fondées sur le sexe, les juridictions les déboutent en soulignant que d’autres femmes (blanches) ne rencontrent pas les difficultés dont elles se plaignent. Si elles se présentent comme victimes de discriminations fondées sur la race, les juridictions les déboutent en soulignant que d’autres Noirs (des hommes) ne rencontrent pas les mêmes difficultés qu’elles.[1]»

[1] https://www.liberation.fr/debats/2015/07/02/intersectionnalite-nom-concept-visant-a-reveler-la-pluralite-des-discriminations-de-classe-de-sexe-e_1341702

«Imaginez un carrefour où des voitures arrivent de tous les côtés. Les discriminations, comme la circulation à une intersection, peuvent arriver d’une direction comme d’une autre. Si un accident arrive à une intersection, il peut être causé par les voitures venant de n’importe quel côté et, parfois, de tous les côtés. De la même façon, si une femme noire est heurtée car elle est à une intersection, son préjudice peut être le résultat d’une discrimination raciale aussi bien que d’une discrimination sexiste.»

Kimberley Crenshaw

Photo extraite de « What Intersectionality Really Means for Movements: Prof Kimberlé W. Crenshaw » / The Laura Flanders Show

Une grille de lecture pour mieux lutter contre toutes les discriminations

La professeure de droit va dès lors révéler comment les femmes noires sont oubliées des luttes féministes comme des luttes antiracistes. Elle écrit ainsi “Parce que l’expérience intersectionnelle est plus grande que la somme du racisme et du sexisme, toute analyse qui ne prend pas en considération l’intersectionnalité ne peut traiter adéquatement de la situation particulière de domination subie par les femmes noires.” Ce concept, l’une des contributions les plus importantes des études féministes, a permis d’élargir la façon dont les identités, genre et race, mais aussi orientation sexuelle ou classe sociale, sont comprises dans leurs diversités et leurs complexités.

Laura GANZA

 

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