Deuxième ville la plus cosmopolite au monde après Dubaï, la région bruxelloise compte près de 180 nationalités différentes. Une richesse qui peut aussi être une source de tensions et de conflits. Ainsi, selon une enquête menée auprès des bruxellois en 2019, la coexistence de différentes normes culturelles serait une des principales sources de tensions sociales à Bruxelles[1].
“Si 37 % des Schaerbeekois n’ont pas la nationalité belge en 2022, 63 % ne l’avaient pas à la naissance. Une partie importante de la population belge de la commune a donc acquis la nationalité après sa naissance”[2]. C’est dans ce contexte qu’en septembre 2020, le bureau d’accueil des primo arrivants, l’association VIA, approche la commune de Schaerbeek. Des ateliers de rencontre ont donc été mis en place pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Depuis plusieurs années, dans le cadre du parcours d’intégration, ils se heurtent à la difficulté d’apporter des réponses satisfaisantes aux réalités vécues par une communauté, les Doms.
Les Doms : entre traditions et défis de la migration.
Manal est formatrice et interprète au sein de l’association VIA. Elle s’est aussi spécialisée dans les questions d’interculturalité et de vivre ensemble. D’origine syrienne, elle anime notamment auprès du public syrien[3] les formations citoyennes destinées à mieux comprendre le fonctionnement de la Belgique. Au cours de ces formations, elle rencontre des personnes qui se définissent comme syriennes et parlent l’arabe mais, entre elles, communiquent dans une langue qu’elle ne connaît pas. Beaucoup ne savent ni lire ni écrire, et elle constate des tensions avec les autres syriens. Il s’agit des Doms.
Qui sont les Doms ?
Les Doms et les Roms ont des racines en Inde dont ils parlent une langue indo-européenne, le Domari pour les Doms et le Romani pour les Roms. Mais plus que cette lointaine origine commune, les Doms et les Roms partagent une communauté de destin marquée par des discriminations, des préjugés négatifs, condamnés à l’errance ou au contraire forcés à se sédentariser, et souvent contraints à dissimuler leur culture.
Les Doms sont présents dans différents pays du Proche et Moyen Orient depuis les alentours du IIIe siècle, et historiquement connus comme des commerçants nomades. Si la plupart des Doms de Syrie parlent l’arabe et sont musulmans sunnites, l’identité religieuse n’est pas un marqueur identitaire fort, leur appartenance repose sur deux piliers : le groupe familial et le partage d’une même langue, le Domari. Les Doms s’organisent en grands clans familiaux. Les familles sont organisées sous l’autorité d’un patriarche qui prend les principales décisions pour les membres du groupe. Les mariages se font entre membres d’un même lignage et sont souvent précoces. Dans une logique patriarcale, le mariage avec la fille du frère du père permet d’assurer la loyauté de la femme. Les Doms font partie des premières populations à avoir quitté la Syrie, dès 2011 au début du conflit. Persécutés par les rebelles comme le régime et manquant de perspectives économiques, ils profitent de leurs liens familiaux transnationaux ou des réseaux de commerce pour quitter la Syrie. Leur voyage se fait par étape. Ainsi, avant d’arriver à Bruxelles, la majorité des familles installées a migré à travers toute l’Afrique du Nord, un voyage qui a souvent duré plusieurs années.[11]
Changer de regard
Quand VIA approche le programme de prévention urbaine (PPU[4]) de la commune de Schaerbeek, la “question Doms” n’est pas nouvelle. Depuis 2017, les acteurs de terrain du PPU font remonter des constats en forme de problèmes : “comportements violents de très jeunes enfants”, “déscolarisation”, “tapage nocturne”, “mariage forcé”, “grossesse précoce”, “conflit intra-communautaire”, “actes violents et dégradations sur l’espace public”.
En s’associant, VIA et le PPU décident de changer le regard. Ensemble, ils conçoivent une série d’ateliers pour « pacifier les relations entre la communauté Doms et les services communaux ». Par ces ateliers, il s’agit d’aller à la rencontre des membres de cette communauté, d’apporter des clefs de compréhension pour les services avec lesquels elle est en contact, et de créer des ponts entre eux.
Forte des contacts qu’elle a établis pendant les formations citoyennes, Manal contacte un par un des anciens participants. Les semaines et jours précédant la rencontre, elle les appelle, leur explique et les rappelle et les rappelle encore.
Pendant deux semaines, chaque matin, une dizaine de participants Doms, femmes et hommes, de différentes générations se réunissent dans un espace animé par une représentante de VIA et une représentante de la commune de Schaerbeek.
À la première séance, les deux animatrices, Manal et Gwendolynn, présentent les thématiques qui seront abordées pendant ces deux semaines : l’éducation, la parentalité et la scolarité des enfants, la formation des adultes et l’insertion socio-professionnelles, l’aide sociale, les services communaux, la police et la santé mentale & réseaux sociaux. Six séances ont suivi selon des thématiques sélectionnées avec les services concernés. Enfin la huitième séance est consacrée à l’évaluation du processus.
Installer la confiance
Parce que les Doms ont un vécu d’exclusion et ont développé une méfiance vis-à-vis de ce qui est extérieur à leur communauté, il s’agit d’abord de poser un cadre qui crée de la confiance.
Les animatrices accueillent les participants avec du thé et du café. Les chaises sont installées en cercle, se distinguant des codes d’une salle de cours où beaucoup de Doms, déscolarisés précocement, ne se sentent pas à l’aise. Chacun prend le temps de se présenter. L’installation de la confiance commence par des visages, ceux de Manal et Gwendolynn qui seront présentes à toutes les séances. Manal est la porte d’entrée du projet. Elle connaît les participants pour les avoir rencontrés lors des formations citoyenneté, elle est syrienne et parle l’arabe. Gwendolynn est chargée de projet au PPU où elle initie des projets visant à réduire la polarisation sociale[5] et prévenir ses expressions violentes. Elle est le visage de la commune et assure le lien vers les services communaux. « Lorsque je suis venue à la première séance. Je venais vous informer que je ne pourrai pas rester car j’ai un bébé. Mais j’ai trouvé cela tellement intéressant que je suis restée. »[7]
Suite à l’atelier, un homme qui avait refusé que sa fille et sa femme s’inscrivent au cours de français organisés par VIA, saute le pas. « J’avais refusé qu’elles sortent et aillent aux cours de français. J’avais peur. Mais maintenant, j’ai entièrement confiance en vous. Vous allez les orienter. »
Et puis vient une langue
À chaque séance, une personne d’origine syrienne assure l’interprétariat en arabe. La présence d’un interprète est essentielle pour accéder et comprendre les réalités vécues par les Doms de leur point de vue et assurer qu’ils comprennent l’information qu’ils reçoivent. Pour les Doms, l’arabe est une deuxième langue, acquise à l’école au cours d’une scolarité souvent incomplète. Alors pour pallier cette difficulté, les animatrices proposent d’autres outils d’expression : le photolangage[6] qu’elles utilisent pour identifier les thématiques et un atelier créatif qui vient clôturer les ateliers en offrant un espace libre d’évaluation et d’expression.
Parce que les personnes peuvent s’exprimer dans une langue qui leur est (plus) familière, les langues se délient et les émotions s’extériorisent. « Je me sens cassé. J’essaie de me remettre sur pieds mais c’est difficile. J’ai plein d’émotions en tête »[7]. Des émotions qui prennent parfois tellement de place que Manal et Gwendolynn décident d’ajouter au projet un volet sur la santé mentale.
L’envie de comprendre et d’écouter
Manal et Gwendolynn ont une même envie, aller à la rencontre des Doms et de leur réalité. Avant d’expliquer, d’informer, il s’agit d’écouter avec une curiosité non feinte. Elles découvrent une communauté, leur convivialité, leur générosité, leur courage mais aussi leurs souffrances. Pour beaucoup d’entre eux, le chemin d’exil a été jalonné par la perte d’êtres chers. « Mon fils est mort dans le désert. Pendant plus de deux ans, je suis restée là-bas pour pouvoir visiter sa tombe. Mon autre fils avait 5 ans, il devait aller à l’école. Alors, nous avons repris la route pour le Maroc, puis l’Espagne et enfin la Belgique où j’ai perdu une de mes filles.[7] » Manal et une de ses collègues de VIA décideront d’ailleurs de partager leur rencontre avec cette communauté dans une bande-dessinée qui retrace l’histoire d’une femme Doms, depuis la Syrie jusqu’à Bruxelles.[8]
De la réciprocité
En partageant une quotidienneté sur deux semaines, une familiarité s’installe et émergent des (petites) choses qui font lien, des expériences de vie dans lesquelles participants et animateurs se reconnaissent. Gwendolynn parle de l’Egypte où elle a vécu, un pays avec lequel beaucoup de Doms ont des affinités. Manal et Gwendolynn sont mamans. Les participants aimeraient voir les photos de leurs enfants. En fin d’atelier, pour remercier du moment partagé, les participants demandent de pouvoir préparer un repas à partager, un moment où les participants peuvent donner plutôt que recevoir. Ce moment de convivialité s’installe dans le programme des ateliers.
Ce cadre de confiance est aussi construit sur quelques prérequis tirés de l’expérience de VIA. Les personnes invitées sont parfois choisies en fonction de leur clan familial. En effet, des conflits opposent certains clans et pour éviter que ces conflits s’immiscent dans les dynamiques des ateliers, le choix a été fait d’éviter certaines cohabitations. Toutefois, ce choix a d’autres conséquences, si un décès survient en cours d’atelier, c’est l’ensemble des membres du clan qui quitte la formation. De même, l’attitude plus ou moins collaborative d’un chef de clan peut influencer positivement ou négativement la participation et l’adhésion de l’ensemble du groupe au processus. Si une figure d’autorité dans le groupe se présente comme favorable à l’éducation des filles ou hostile au mariage précoce, soudain se sont d’autres voix qui s’expriment et viennent le renforcer. Parce qu’ici plus qu’ailleurs, les solidarités familiales soudent et tiennent les gens debout.
« Lorsque je suis venue à la première séance. Je venais vous informer que je ne pourrai pas rester car j’ai un bébé. Mais j’ai trouvé cela tellement intéressant que je suis restée. » (Témoignage d’une participante Dom)
Ouvrir le dialogue
Marqués par des expériences d’oppression institutionnelle, les Doms se méfient des représentants des autorités, souvent ils s’invisibilisent et se replient au sein de la famille élargie et dans leurs traditions. Parmi ces traditions, certaines normes et valeurs viennent heurter les normes et les lois belges. « Nos enfants apprennent leurs droits et devoirs à l’école. Après, ils nous menacent d’appeler la police si nous leur donnons des claques. Mais comment devons-nous éduquer nos enfants en Belgique ? »[7]
Au centre de ces incompréhensions se trouvent souvent les enfants, les enfants que les parents punissent physiquement, qui sont violents avec les autres enfants mais aussi victimes de harcèlement, s’absentent de l’école, sont mariés et deviennent parents trop tôt. Les médiateurs scolaires constatent des situations, parfois dramatiques, mais aussi une difficulté à établir un dialogue avec la famille. « Nous avons deux familles qui posent régulièrement problème depuis 3 ans. D’une part les enfants en arrivant étaient très violents avec les autres, et, même s’ils ne le sont plus, cela reste stigmatisant pour eux car les autres enfants continuent de s’en prendre à eux violemment. (…) Le souci avec les parents c’est qu’ils ne viennent pas à l’école, restent en dehors. Si j’insiste pour avoir un rendez-vous, ils viennent mais ils sont très distants, froids. Souvent, ils disent qu’ils ont beaucoup de démarches à faire et n’ont pas le temps de s’occuper de l’école. »[9]
Un cadre « sur mesure »
Si les thématiques sont choisies sur base des constats et informations glanés par VIA et le PPU, au premier jour de la formation, chacune des thématiques est soumise aux participants qui les traduisent dans des questions qui reflètent leur réalité propre, et qui parfois apportent déjà des éléments de réponse. « Comment aller à l’école tous les jours si nous n’avons jamais été scolarisé de notre vie ? C’est difficile d’apprendre une langue à l’école, il me faut quelque chose de plus ludique. »[7] En amont de chacune des rencontres, les questions sont soumises aux partenaires pour qu’ils puissent s’y préparer. La diversité des profils des partenaires permet aussi d’apporter une diversité de réponses : la mission locale, une association de jeunes solidaires, une école de devoir, une maison de quartier, les services du CPAS, des agents du service population de la commune, des assistants sociaux, la police (…). Et certaines demandes concrètes y trouvent parfois une issue immédiate telle que formulée par un des participants : « après plusieurs années passées en Belgique, j’ai pu obtenir une carte d’identité pour mon fils ».[7]
Ici, chaque thématique est traitée dans un atelier de trois heures, un temps rarement offert dans le cadre institutionnel classique. Les services sont à l’écoute des participants et répondent à leurs questions. La distance se réduit, et des relations plus horizontales s’établissent. « Parler avec les institutions, au même niveau, cela fait du bien. Nous n’aurions jamais cru cela possible, surtout pas dans notre pays d’origine ».[7] La rencontre avec la police est pour cela exemplaire. Elle fait l’unanimité parmi les participants car elle vient toucher au cœur des représentations et du vécu qu’ils avaient avec les forces de l’ordre. « La police, elle est généralement là pour t’arrêter. Ici, pour la première fois, je me suis assise avec des policiers. Ils m’ont écouté et montré du respect. »[7]
Un exemple de cas pratique
Je suis une fille de quinze ans et j’avais cinq ans quand mes parents ont décidé de quitter le pays suite à un attentat sur notre quartier en Syrie. Nous avons perdu notre maison, le commerce de mon papa ainsi que beaucoup de nos proches. Ça nous a pris huit mois avant d’arriver en Belgique. Le voyage fut long et difficile et nous avons perdu ma petite sœur pendant cet horrible voyage. Après tout ce temps, je vois que mes parents ont beaucoup changé : ils sont tristes, stressés, angoissés et dorment très peu et se disputent souvent. Je ne sais pas comment les aider car j’ai l’impression que rien ne change pour eux.
Un dialogue en pointillés
Ce dialogue reste fragile. Il repose sur une envie commune de se connaître, et de mettre à distance ses préjugés et expériences passées. Lors d’un des ateliers organisés avec les travailleurs du CPAS, la rencontre n’a pas eu lieu. Les retours des participants Doms posent en filigrane les éléments qui font (ou ne font pas lien). Les dix participants Doms ont vu arriver un nombre identique de travailleurs sociaux du CPAS. « Ils étaient tellement nombreux, je me suis sentie petite » ; « La plupart venait de l’immigration. Nous nous attendions à ce qu’ils nous encouragent mais c’était plutôt le contraire. Ils nous diminuaient. » ; « Ils nous ont traité comme “on vous donne de l’argent donc vous devez nous écouter” » ; « J’ai senti qu’ils pensaient “vous venez ici pour l’argent”, pas parce que vous avez connu la guerre ». « Ils ne comprennent pas notre parcours, la route, la guerre. J’ai vraiment senti de l’injustice ».[10] Depuis, avec le CPAS, le format a été repensé, avec moins d’interlocuteurs et des interlocuteurs mieux préparés à la rencontre mais aussi avec une volonté nouvelle, aider à mieux appréhender les réalités et contraintes vécues par les travailleurs du CPAS. En effet, les CPAS bruxellois sont touchés par une augmentation des agressions dans un contexte où les travailleurs sociaux sont tiraillés entre des demandeurs d’aide (de plus en plus nombreux) qui leur demandent d’agir dans l’urgence, et un système administratif procédurier, lent et en difficulté financière.
Une rencontre qui ne s’est pas faite non plus, mais pour d’autres motifs, dans l’atelier sur la santé mentale. Deux psychologues étaient présentes mais pour les participants, cette approche trop intellectuelle était déconnectée de leur réalité. Même si le mal-être est palpable et exprimé par beaucoup de participants, consulter un psychologue est culturellement très difficile à accepter. Manal et Gwendolynn ont ainsi imaginé un cadre plus rassurant pour accueillir les souffrances psychiques. À partir de leurs connaissances de la communauté, elles ont rédigé des études de cas qu’elles ont soumises aux participants. Ici, ce sont les participants qui mobilisent leurs propres ressources pour répondre aux souffrances vécues par leurs proches.
Si les ateliers posent un cadre qui permet des échanges plus directs et moins formels, la volonté d’établir la confiance dans les institutions exige en parallèle de se montrer comme institution. Ainsi, les ateliers sont jalonnés de moments plus institutionnels : la tenue d’un atelier dans la salle des mariages de la maison communale (la salle la plus prestigieuse de la maison communale), la clôture des ateliers par la bourgmestre, la remise d’un certificat. Pour les Doms, ses signes sont importants. Ils viennent attester du respect qui leur est porté. « Nous nous sommes sentis respectés en voyant toutes les personnes présentes et les préparations qui ont été faites pour nous accueillir »[7].
Conclusion
Ce projet montre qu’il est possible de créer des ponts même avec des communautés dont les normes et valeurs semblent très éloignées. Reste la possibilité d’entretenir ses liens et de faire infuser au sein des institutions les leçons apprises de ce projet.
Ici, l’expérience se heurte à une réalité administrative gagnée par des logiques managériales, des injonctions à plus de digitalisation et des restrictions budgétaires. Ainsi à chaque étape administrative, des obstacles s’ajoutent : des démarches à réaliser en ligne, des temps au guichet minutés, la suppression de services d’interprétariat, des ressources qui diminuent. Des restrictions budgétaires qui viennent aussi atteindre les travailleurs sociaux dans leur capacité à consacrer du temps au public, et qui les poussent à craindre le suivi des Doms qui manquent de culture administrative et qui exigent un accompagnement plus poussé.
Néanmoins, en donnant du temps à l’échange, les ateliers de rencontre ont permis d’établir des liens différents entre l’administration et ses publics, une parenthèse qui laisse de l’espace pour la rencontre et pour accéder au cadre de référence des uns et des autres. De l’avis des participants Doms et de la commune, ces ateliers offrent un espace unique pour dépasser les préjugés qui font souvent barrière et remettre l’humain au cœur. « La société interprète souvent mal nos gestes, ce qui nous pose des problèmes ».[7] Du côté des institutions on n’observe ce même souhait de comprendre : « C’est bien de pouvoir échanger ; des préjugés, des informations fausses circulent et ces rencontres nous aident à recevoir de bonnes informations. »[7] Faire connaître cette initiative, encourager de nouveaux acteurs à la rejoindre et continuer à s’interroger sur nos pratiques viennent ainsi participer à la construction d’institutions plus proches et à l’écoute.
Parce qu’au sein de la communauté Doms, les familles sont soudées et solidaires, l’information circule et les membres d’une même famille s’entraident. Ainsi, les ateliers, même s’ils ne touchent qu’une quinzaine de personnes par session (à raison de 5 sessions depuis le début du projet), par leur répétition et par un effet boule de neige ont la potentialité d’atteindre un grand nombre de personnes. « J’ai un groupe WhatsApp avec d’autres femmes. Après chaque jour d’atelier, j’ai relayé les informations que j’ai apprises et gagné confiance en moi. »[7]
Ballottés d’un pays à un autre depuis des années, les Doms ont acquis l’immense capacité de pouvoir s’adapter. Aujourd’hui, alors que la Belgique apparaît comme la fin du voyage pour beaucoup d’entre eux, cette capacité d’adaptation nourrie de leurs nouvelles connaissances sur la Belgique pourrait leur permettre d’imaginer des stratégies d’installation sur le long-terme qui prennent en compte les ressources et les potentiels offerts par les institutions et la société civile belge. « Nous avons quitté la Syrie en pensant que nous rentrerions au pays après quelques mois. La Belgique est devenue notre pays et le pays de nos enfants. Je dois apprendre des choses pour être autonome, plus forte. Les enfants prennent confiance s’ils sentent leurs parents forts. »[7]
« J’ai un groupe WhatsApp avec d’autres femmes. Après chaque jour d’atelier, j’ai relayé les informations que j’ai apprises et gagné confiance en moi. »
[2] Zoom sur les communes : Schaerbeek. (consulté en mars 2024).
[3] Depuis 2015 et suite à la guerre, les syriens arrivent en Belgique pour demander l’asile. Près d’un Syrien sur cinq installé dans la région bruxelloise vit à Schaerbeek et elle est aussi la population la plus représentée à VIA, le bureau d’accueil pour primo-arrivants (rapport annuel VIA, 2022).
[4] Le programme de prévention urbain est composé de 200 agents (gardiens de la paix, travailleurs sociaux de rue, juristes, psychologues, médiateurs…) qui interviennent sur l’espace public, accompagnent les citoyens et mènent des projets collectifs pour prévenir l’insécurité et renforcer le vivre-ensemble.
[5] Selon l’OCAM (Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace), la polarisation c’est « l’aggravation des contradictions entre les groupes de la société qui entraîne ou peut entraîner des tensions entre ces groupes et des risques pour la sécurité ».
[6] Le photolangage est une méthode d’animation pour faciliter la prise de parole en groupe. L’animateur pose une question et invite chaque participant à choisir une image qui représente le mieux sa réponse. L’image permet de dépasser la barrière de la langue mais aussi de mobiliser les émotions, l’imaginaire et les symboles.
[7] Témoignage d’une participante ou d’un participant Dom.
[8] Anaële et Delphine Hermans, et Manal Halil. Hayat d’Alep à Bruxelles. La Boîte à Bulles. 2023.
[9] Témoignage d’une médiatrice scolaire.
[10] Évaluation de la rencontre avec le CPAS.
[11] État des lieux de la scolarisation des enfants doms à Bruxelles : obstacles, défis et bonnes pratiques. Service Prévention Anderlecht. Cellule relations interculturelles. Octobre 2018.

Hélène Morvan
Chargée de projet au sein du programme de prévention urbaine de la Commune de Schaerbeek
Hélène Morvan travaille depuis plus de 25 ans dans le secteur de la prévention de la violence et la cohésion sociale. Pendant une dizaine d’années en Afrique sub-saharienne, elle a accompagné des initiatives communautaires en matière de justice et de paix. Aujourd’hui, elle est chargée de projet au sein du programme de prévention urbaine de la commune de Schaerbeek. Dans cette fonction, elle s’intéresse particulièrement aux liens entre citoyens et institutions, et à la notion de communs urbains.
Photo d’ouverture : © Photo by Suzy Hazelwood from Pexels