La conjoncture actuelle du monde dépeint un ensemble de crises multiformes qui se superposent, se succèdent ou s’influencent et impose de nouvelles méthodes et critères innovants d’analyse. À titre d’exemple, alors que l’impact de la crise du Covid-19 n’est pas encore effacé, des perceptions multiples foisonnent sur la gestion de la crise écologique, la guerre en Ukraine, les inégalités mondiales, le stress écologique…

Patrick Balemba Batumike, juriste et avocat. Actuellement chargé de recherches et d’animation chez Justice et Paix Belgique.

La conjoncture actuelle du monde dépeint un ensemble de crises multiformes qui se superposent, se succèdent ou s’influencent et impose de nouvelles méthodes et critères innovants d’analyse. À titre d’exemple, alors que l’impact de la crise du Covid-19 n’est pas encore effacé, des perceptions multiples foisonnent sur la gestion de la crise écologique, la guerre en Ukraine, les inégalités mondiales, le stress écologique…

La planète Terre, appréhendée désormais comme un tout, une « maison commune[1] » appelle davantage à une prise de conscience des responsabilités partagées des humains. Le travail visant la réduction des inégalités mondiales appelle à un nouveau partenariat mondial afin d’aboutir à une coopération plus humaine. Celui-ci nécessite le changement du paradigme de l’Aide au développement.

La Belgique qui a voulu entamer une démarche décoloniale, notamment par l’instauration d’une commission parlementaire sur le passé colonial, devra encore adapter et réinventer ses opérations de solidarité en se focalisant sur les besoins des communautés locales.

Pendant que des sentiments de vulnérabilité et le stress écologique s’accroissent, La classe politique belge doit faire preuve d’initiatives solidaires courageuses. La réaction empathique des Belges face aux effets de la guerre laisse présager l’élan d’une grande potentialité solidaire et adaptative que l’Europe devrait poursuivre.

Quelles leçons pour le futur le monde diplomatique belge pourra-t-il tirer des échanges culturels et civilisationnels avec les pays de l’Afrique centrale ?

Dans le nouveau paradigme partenarial basé sur une collaboration plus intégratrice d’acteurs[2] ; la cohérence politique responsable devrait non seulement donner plus de place aux acteurs traditionnels des pays « en développement », mais en plus reconnaître un rôle de protagoniste de taille aux organisations de la Société Civile (OSCs)[3]. Celles-ci contribuent encore mieux à la lecture stratégique pouvant permettre de véritables changements sociétaux.

Trajectoire du partenariat belge avec l’Afrique centrale

60 ans après les indépendances, la coopération internationale est en perpétuelle évolution. Son champ a subi une transmutation au fil du temps. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’aide publique au développement (APD[4]) s’est retrouvée au cœur des relations internationales. Celle-ci a évolué au gré des paradigmes qui ont animé la vie internationale. Elle dépendait dans ses débuts de l’intensité des liens qui existaient entre pays « donateurs », pays « du nord » d’une part et de l’autre ; pays bénéficiaires, principalement du « sud » ou en développement.

Elle peut intervenir de manière directe (unilatéralement) d’un État vers un autre ; à travers la coopération bilatérale ; multilatérale ou indirectement via les ONG, les institutions universitaires et scientifiques, etc.

Les influences des anciennes métropoles ne cessent alors de planer sur leurs anciennes colonies. Ainsi, l’aide britannique sera accordée préférentiellement aux pays du Commonwealth[5], celle de la France orientée principalement vers les pays de la zone CFA[6] et la coopération internationale belge principalement vers l’Afrique centrale (anciennes colonies).

En Belgique, la loi du 19 mars 2013 définit la Coopération belge au Développement comme la politique et les actions menées par des canaux gouvernementaux, multilatéraux et non gouvernementaux et au moyen des autres instruments qui sont ou ont été comptabilisés comme de l’Aide publique au développement par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE).

La Belgique est reconnue au sein du Comité d’aide au développement (CAD[7]) comme un pays fervent défenseur des états moins avancés et fragiles. Pourtant, l’APD belge baisse depuis plus d’une décennie et se situe aujourd’hui autour de 0,4% du RNB (Revenu National Brut), largement inférieure à l’objectif de 0,7% qu’elle s’est librement fixée[8];

En RD Congo, par exemple, la Belgique appuie le secteur de l’enseignement technique et la formation professionnelle, l’agriculture, le développement rural et le secteur de la santé. Au Rwanda, elle offre un appui à la santé, l’énergie et à la décentralisation. Elle soutient au Burundi la santé, l’éducation et d’autres secteurs transversaux dont la bonne gouvernance, l’environnement et le domaine des Droits Humains.

L’APD reste importante dans ces pays, par exemple au Rwanda, 40% de son budget national a été couvert par la solidarité internationale[9]. Au Burundi, l’APD couvre 45,4% du budget national[10]. Ceci nous montre dans quelle proportion l’impact de la solidarité internationale peut influer sur la vie des populations de la région des Grands Lacs. L’influence, ainsi que l’impact du soutien belge dans cette région se diluent avec le temps, car entrent « en concurrence » avec d’autres acteurs internationaux tels que la Chine, les États-Unis, la France ou la Russie.

Les OSCs, alternative à la faillite des états?

Pour mieux cerner la politique belge, il faut remonter à juillet 1999 à l’entrée en fonction du gouvernement « arc-en-ciel » du Premier ministre Guy Verhofstadt (VLD) et de son vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Louis Michel (PRL). Ce gouvernement manifesta immédiatement son intention de mener une politique africaine plus dynamique visant à remettre la Belgique au centre des débats internationaux eu sujet de l’Afrique centrale[11] et ainsi jouer un rôle effectif dans la recherche des solutions au conflit qui y sévissait. Ces antagonismes en résurgences ont suffisamment muté jusqu’à présenter en ces jours un danger imminent d’implosion.

La coopération belge avec ses anciennes colonies a donc évolué en fonction des aménagements successifs des plans stratégiques et dépend désormais en grande partie du changement de la situation particulière de chaque partenaire[12].

Au fil des années, les relations entre la Belgique et ses anciennes colonies ont évoluées en rythme mouvementé entre tension et controverses. Les ONG ont régulièrement attiré l’attention sur l’ambiguïté qui affichait une disparité évidente entre le train de vie des gouvernants d’une part et les inégalités criantes affichant une pauvreté endémique de l’autre. Ces situations peuvent entacher la durabilité partenariale qui doit nécessairement s’inscrire dans une perspective à long terme pour être efficace[13].

L’analyste pouvait donc déduire un fréquent détournement de l’APD au profit des personnes au pouvoir et donc une utilisation inefficace. Le postulat de la malédiction des richesses mélangée à une situation d’impunité face aux détournements de fonds réduisant le peuple au silence a été décrié également[14]. Notons que les ONGs ont notamment joué un rôle déterminant dans ce domaine de gouvernance des ressources naturelles en militant pour la prise, en Europe, des mesures sur le devoir de vigilance et de responsabilité des entreprises[15]. Cela pourrait non seulement limiter le manque à gagner des populations locales, mais aussi permettre plus d’impact de changement pour la réalisation des ODD.

En tout état de cause, les critiques de l’aide au développement ont tourné autour de quelques thèmes comme la « dictature des experts » ou « la collusion avec les gouvernants », mais aussi le « faible impact de l’aide publique sur le développement »[16].

Une première critique reproche à l’APD d’être la résultante d’une « dictature des experts » lorsqu’elle consiste à l’application pure et simple des conclusions d’études élaborées par des technocrates souvent sont déconnectées des réalités de terrain. Une seconde fustige la « collusion avec les gouvernants » lorsque la forme et la publicité de l’aide n’auraient plutôt abouti qu’au renforcement du régime politique qui exerce l’autorité temporaire. Outre, il a été également reproché à l’APD d’avoir un très « faible impact » lorsque celle-ci se poursuit sans pour autant atteindre les objectifs escomptés ni produire d’impacts significatifs.

L’économiste Dambisa Moyo quant à elle fait remarquer que « les pays qui ont connu une phase de développement dans les dernières décennies doivent leurs bonnes performances économiques non à l’aide extérieure, mais à leur capacité à créer des richesses ». L’aide souvent détournée, peut renforcer certains dictateurs[17] d’où le fait qu’il soit de plus en plus souhaité d’impliquer la société civile dans la gouvernance.

Ces critiques peuvent être légitimes dans certaines circonstances où, au lieu de favoriser le développement escompté, l’aide pourrait favoriser la pérennisation des dictateurs au pouvoir. Elles deviennent malheureusement fatales lorsque les bénéficiaires en pâtissent. Cela a été, par exemple, le cas des pays où les organisations de la société civile (OSC) n’ont pas été prenantes aux sphères de décisions. Elles manquent ainsi la possibilité de bien jouer leur rôle de rempart en faveur de la bonne gouvernance et la démocratie.

Notons néanmoins que ces critiques de l’APD en général n’éludent aucunement les améliorations générées dans le quotidien des populations locales en termes notamment d’accès aux infrastructures d’utilité publique. Aujourd’hui, les droits humains sont devenus progressivement une balise incontournable pour la coopération belge. L’implication de plus en plus marquée de la société civile améliore la qualité du partenariat dans le sens qu’elles assurent non seulement la pérennité d’objectifs, mais aussi constituent une voie plus engagée à proximité des communautés locales.   Ainsi constitueront-elles un équilibre politique face aux régimes souvent autoritaires et en réponse à la faillite des États qu’elles ont renforcées dans leurs missions.

Nous pouvons néanmoins faire remarquer qu’il est arrivé à la Belgique de s’être réservé le droit de suspendre les liens de solidarité de manière unilatérale, en cas de régression de l’état de Droit. Bien que jouant un rôle d’appui aux services publics, des interruptions intempestives qui ont entraîné l’arrêt complet de collaboration peuvent s’avérer « fatales » vis-à-vis des destinataires finaux de l’APD. Surtout lorsque l’APD de la Belgique représente le dernier (si pas le seul) rempart économique du pays bénéficiaire.

Nous pouvons citer notamment la période du génocide de 1994 au Rwanda avec l’assassinat le 07 avril de 10 para-commandos belges et la rupture de la coopération militaire belge qui avaient été suspendues lorsque celui-ci avait été accusé par la RD Congo pour sa participation éventuelle au soutien de la rébellion dans le Kivu. En 2015, les relations bilatérales avec le Burundi ont également été rompues[18] en guise de protestation au dépassement du nombre maximum de mandats à la présidence de la République par Pierre Nkurunziza. Cela a également été à la base du coup de froid diplomatique[19] avec la RD Congo en 2016 pour des motifs de graves violations de droits humains.

Le plus souvent, ce sont les ONG qui ont dû prendre le relais pour assurer la continuité de certains projets à caractère urgent et vital.

Face à cette réalité, comment garantir, dès lors, la nécessaire continuité des actions concertées de solidarité ? Ne faudra-t-il pas focaliser directement les efforts, en Afrique centrale, vers les OSC (Organisations de la Société Civile)?

Vers la cohérence de la politique belge de solidarité

Globalement, on peut estimer que l’APD est efficace, dans une certaine mesure, pour contribuer au développement socio-économique dans les pays pauvres. L’Université des Nations Unies a publié une étude qui corrobore ces dires. Selon celle-ci, sur la période 1970-2007, un flux moyen annuel de 25 dollars d’aide par habitant dans les pays bénéficiaires aurait permis une diminution de la pauvreté de 6,5 %, un accroissement des investissements de 1,5 %, du taux de croissance du PIB de 0,5 % et de l’espérance de vie de 1,3 an et le taux moyen de scolarisation de 0,4 an dans les pays en développement bénéficiaires[20]. En 2019, le gouvernement belge s’est accordé sur le principe d’atteindre en 2030 le seuil de 0,7% du RNB en APD. Mais en réponse à l’urgence engendrée par la guerre Russo-Ukrainienne, la Coopération belge a mobilisé des financements additionnels pour soutenir l’Ukraine, plutôt que de réorienter des budgets vers son APD comme l’ont fait d’autres pays européens.

La Belgique a allongé la valeur nominale entre 2020 et 2021, passant de 2 033 à 2 186 millions EUR, mais elle a baissé en termes relatifs, passant de 0,47 à 0,46% du revenu national brut (RNB) : elle n’a donc pas atteint l’objectif fixé de 0,7% en 2021. La Belgique ne respecte pas encore son engagement d’allouer 15% de l’APD à la souveraineté alimentaire. Notons aussi qu’en 2021, la part de l’APD gérée par la Direction générale de la Coopération au Développement (DGD) a diminué, passant de 60% en 2020 à 56% en 2021.

L’accord du kern du mois de juin 2022 s’est engagé à atteindre les 0,7% du RNB en aide au développement en 2030. Tous les partis francophones composant la majorité gouvernementale s’y sont engagés dans leurs programmes électoraux respectifs.
 
La Wallonie a joué un rôle de pionnière avec l’Écosse lors de la COP 26, en annonçant un financement de 1 million EUR pour compenser les pertes et préjudices dans les pays du Sud.

La Belgique fait figure de bon élève quant à la marge de manœuvre qu’elle laisse à ses bénéficiaires, car la majeure partie de l’aide belge est dite « déliée »[21]. Cela veut dire qu’elle est allouée sans obligation pour le pays partenaire d’utiliser cette aide pour l’achat de biens ou de fournitures belges.

Contrairement à l’aide américaine, par exemple, qui reste partiellement liée aux intérêts commerciaux américains. C’est le prix à payer pour avoir l’accord du Congrès des États-Unis disait Hillary Clinton au sommet des investisseurs à Busan[22]. Un tiers de l’aide américaine reste donc encore liée. Dans ce cas, le pays bénéficiaire peut être obligé, par exemple, de ne faire exclusivement appel, qu’à une entreprise du pays donateur pour la fourniture de biens et services.

En 2011, lors du 4e forum sur l’efficacité de l’aide au développement à Busan, 160 pays et 46 organisations internationales se sont accordés pour créer un forum multiacteurs, dont l’objectif serait d’assurer l’efficacité maximale de la coopération internationale. C’est ainsi qu’est né le « Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement », avec pour mission de contrôler la mise en œuvre des quatre principes de l’efficacité du développement approuvés à Busan : (1) l’appropriation des priorités de développement par les pays en développement ; (2) l’orientation vers les résultats ; (3) des partenariats inclusifs ; (4) la transparence et la responsabilité mutuelles[23].

Aujourd’hui, le Partenariat mondial rassemble les pays en développement, les pays donateurs et d’autres organisations du monde entier, dont le PNUD, l’OCDE[24], ainsi que les organisations de la société civile. Selon le dernier rapport du Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement, l’alignement des objectifs des projets de développement sur les priorités de pays bénéficiaires s’est détérioré[25]. Le plus souvent, les appels à projets ne sont l’émanation que des décisions unilatérales des pays donateurs. Dans ce sens les lignes de financement décidées par ces derniers ne sont pas toujours conformes aux attentes et besoins réels des pays bénéficiaires de l’APD. Ces derniers se retrouvent le plus souvent rangés derrière les seules priorités décidées par les bailleurs de fonds.

La solidarité internationale cependant, est censée respecter plusieurs critères, notamment l’alignement, l’appropriation et l’utilisation des systèmes nationaux des pays partenaires. En d’autres termes, la coopération doit être cohérente et s’aligner avec les besoins, objectifs et intérêts des partenaires bénéficiaires de l’APD, et plus encore ceux des populations locales. Elle doit aussi prendre soin d’utiliser au maximum les outils (tels que les systèmes de gestion et de suivi) des pays partenaires, avec pour objectif le renforcement des capacités et la durabilité des actions mises en place. Il est donc primordial que le nouveau partenariat envisage de mutuelles conceptions de l’APD basée sur une co-construction des notes stratégiques.

Partenariat équilibré « eurafricain »[26]

La particularité de l’Afrique selon Kako repose sur la capacité d’adaptation résiliente de sa jeunesse précarisée de faire face à la dureté de la vie[27]. Bien que ce continent couve la plupart des conflits violents et meurtriers en subissant une corruption endémique au lieu d’être protagoniste de son destin, ne pourra-t-il pas surprendre le monde avec sa capacité adaptative d’appréhender les nouvelles technologies ?

L’Afrique a résisté à la traite négrière qui avait besoin des ressources en homme en son temps, aujourd’hui, elle fait face à la ruée vers l’exploitation des ressources naturelles.

L’Afrique sera bientôt le premier continent dans l’histoire à pouvoir intégrer, en moins de cinquante ans, 2 milliards d’humains, cela dans un contexte de faible productivité et de quasi-absence d’industries ni d’urbanisation accélérée[28]. La moitié de sa population ayant moins de 15 ans présuppose, dans un futur proche, un basculement économique potentiellement innovateur.

Un humain sur 4 sera africain d’ici 2050. Un tiers à la fin du siècle. La démographie vigoureuse de l’Afrique reste un atout à redécouvrir. Ses richesses minières et énergétiques, convoitées par des anciens et nouveaux prédateurs couplés à son capital humain nécessitent une meilleure gouvernance.

Soixante ans après le départ des pays colonisateurs, l’influence actuelle de l’occident – mû par les enjeux climatiques et économiques – se fait encore sentir. Cette influence, bien qu’atténuée par l’entrée en jeu spectaculaire des nouveaux acteurs comme la Chine (en quête de matières premières) et la Russie (en quête d’alliés et de débouchés). A ceci s’ajoutent les inégalités dans la redistribution des richesses entre les gouvernants et les entreprises multinationales qui exploitent les ressources naturelles d’une part et les populations locales qui en pâtissent de l’autre.

Bâtir un bon partenariat dans la région des Grands Lacs c’est aussi contribuer activement au rapprochement des États afin de recréer un climat de paix adéquat.   La Belgique pourrait encore exercer de son influence armée de la profonde expérience de sa culture du compromis politique.

Responsabilité historique de la Belgique

« Les Congolais ont besoin des Belges et les Belges ont besoin des Congolais », pouvons-nous lire dans l’article intitulé « Le Zaïre au temps des Noko »[29] (Colette Braeckman)

L’implication souhaitée de la Belgique pour face à la situation qui sévit en Afrique centrale repose non seulement sur le besoin du bien-être humain, mais aussi sur un immense capital historique sui generis. La période coloniale a tellement impacté les liens qu’elle reste comme une trace indélébile non seulement dans l’imaginaire collectif, mais aussi dans l’espace public.

C’est la raison pour laquelle, face aux accusations de plus en plus indexées contre les dirigeant·e·s et multinationales en Afrique centrale, des voix se sont aussi levées en Belgique.

Le journaliste François Ryckmans dans son livre « mémoires noires, les Congolais racontentle Congo belge »[30] retrace le courage d’un peuple ainsi que sa capacité de résilience inouïe en invitant à plus de responsabilités des responsables politiques. Le journaliste Érick Bruyland dans son récent ouvrage : « La sape d’un géant. RD. Congo 1960-2020 [31] », aborde pour sa part le paradoxe « pauvre-riche » et propose des alternatives d’actions politiques fortes. Il insiste sur l’instauration de lois plus humaines ainsi qu’une justice fiscale optimale pour le retour de l’état de droit. Le réalisateur Thierry Michel quant à lui s’insurge également contre la loi du silence sur un quart de siècle dans son dernier film : « L’empire du silence ». Ce dernier en appelle à la Communauté internationale pour qu’elle puisse agir.

Le pacte partenarial reposant sur liens diplomatiques, socio-économiques et humains demeure étroit entre ces pays, qu’on le veuille ou non. Ces partenariats, non dénués de frottements et d’anicroches, sont marqués des pressions et critiques belges sur les failles avérées de gouvernance ou sur le non-respect des droits humains comme par une aspiration partagée de proximité historique.

Pour les générations futures, la nécessité de commercer appelle une prise de conscience et une responsabilité à l’égard des ressources naturelles, qui sont par ailleurs, limitées en quantités. Les métaux nécessaires à la transition écologique souhaitée, disponibles en grande partie en Afrique centrale, pourraient dès lors éthiquement apporter un souffle nouveau au travers de cette nouvelle voie de partenariat entre la Belgique et l’Afrique centrale.

Innover un partenariat inclusif

En définitive, nous pensons qu’il est envisageable que des liens pluriels solides « eurafricains » puissent entraîner l’intégration parfaite des valeurs universelles – la démocratie, la bonne gouvernance, la lutte contre l’impunité, les Droits Humains, la lutte contre la corruption, la transparence … dans le quotidien des Congolais·es, Rwandais·es et Burundais·es. Les grandes questions planétaires de caractère climatique, alimentaire, migratoire, et économiques actuelles pourront elles aussi trouver une part de leur solution dans les valeurs africaines.

Le nouveau partenariat à bâtir signifie aussi annuler et assouplir les conditionnalités de la dette, assurer la redistribution des richesses via de nouveaux mécanismes notamment par la taxe Carbonne (pollueurs-payeurs), impliquer les diasporas, partager les meilleures technologies de la santé, démystifier la perception de la mobilité des populations et bannir les approches néocoloniales dans les relations futures.

Le nouveau partenariat doit également infuser la culture de la paix, de la tolérance et du dialogue. La justice sociale (fiscale, communicationnelle, écologique et climatique, éducationnelle …) appelle à la mutualisation des moyens et capacités de résiliences communes.

Les bénéficiaires de l’aide au développement pourront-ils aussi participer à l’élaboration des nouvelles lignes d’action afin que la coopération internationale puisse aboutir au changement de la situation des populations à l’échelle planétaire ?

À l’instar des organisations de la société civile, certaines initiatives diverses des citoyens belges des diasporas se sont avérées productives et démultiplicatrices.

Le nouveau paradigme partenarial devrait, à sa juste valeur, reconnaitre enfin à l’Afrique la contribution qu’elle apporte déjà à l’échelle mondiale par sa biodiversité, ses ressources naturelles et son écosystème.

[1] Pape François, Laudato Si, lettre encyclique, 24 mai 2015

[2] Il s’agit ici de dépasser le duo Etat donateur-Etat bénéficiaire et intégrer dans la collaboration les autres protagonistes comme les OSCs. Celles-ci deviennent le plus souvent le seul recours lorsqu’il s’agit d’Etat-faillis ou ceux dont les gouvernements despotiques ne gèrent plus de manière responsable la chose publique.

[3] https://www.justicepaix.be/afrique-centrale-quelle-responsabilite-pour-la-societe-civile/

[4] Concept classique qui est de moins en moins utilisé aujourd’hui. Il est remplacé par « coopération Internationale ».

[5] Le Commonwealth of nation est le nom depuis 1947 de l’association d’anciennes colonies (ou protectorats) de l’Empire britannique

[6] Pays de la Communauté financière africaine composée du Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, le Tchad, le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Signifiait lors de sa création le 26 décembre 1945 « franc des Colonies françaises d’Afrique »

[7] Le Comité d’aide au développement a été créé au sein de l’OCDE le 23 juillet 1961. La Banque mondiale, le Fonds Monétaire International et le Programme des Nations Unies pour le développement sont observateurs.

[8]  L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une motion réclamant aux pays « riches » d’affecter 1 % de leur revenu national à l’aide au développement. On retrouve cette demande lors de la Première Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) de 1964. La CNUCED s’est réunie à Genève du 23 mars au 16 juin 1964. Première conférence consacrée aux questions du développement.

[9] Jeremy Révillon, Le Rwanda un modèle économique ? Observatoire des Grands Lacs en Afrique, Note N°3, 2013

[10] Analyse budgétaire : Santé, Unicef Burundi, 2019-2020

[11] De Coninck F., Conflits et diplomatie en Afrique centrale : Témoignage d’un ambassadeur 1994-2000, l’Harmatan, AfricaMuseum ; Paris, 2022, P.245

[12] Pierre Boisselet, Aide internationale : le Rwanda peut couper le cordon ? Revue jeune Afrique Économie, 26 juin 2012

[13] Gérard Perroulaz, Le rôle des ONG dans la politique de développement : forces et limites, légitimité et contrôle, annuaire suisse de politique de développement, 2004

[14] L’engagement des jeunes ainsi que la mobilisation pour la démocratie et la justice suscité via les mouvements citoyens en RD Congo en est une illustration.

[15] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0073_FR.html

[16] Gaël Raballand, peut-on rendre l’Aide publique au développement plus efficace ? Revue française d’administration publique, 2015/3 (N°55) PP 779-791

[17] Dambisa Moyo, Dead aid: Why aid is not working and how there is another way for Africa, Farar, Straus and Giroux, New York, 2009

[18] RFI, 10 octobre 2015, Imbroglio diplomatique entre le Burundi et la Belgique

[19] France24, 06 février 2018, coup de froid diplomatique entre Kinshasa et Bruxelles

[20] Université des Nations Unies, Étude d’impact sur la coopération au développement, 1970-2007

[21] Elle n’est pas assortie d’aucune conditionnalité de l’achat de matériels, fournitures … auprès de l’industrie du pays donateur.

[22] Déclaration au 4e sommet 1

[23] Forum sur l’efficacité de l’aide de Busan (Coré), 20 novembre au 1er décembre 2011

[24] Respectivement, le Programme des Nations unies pour le développement et l’Organisation de Coopération et de Développements économiques.

[25] Van Haute A., Une coopération au développement moins efficace, analyse CNCD, 2019

[26] Concept imaginant un nouvel espace de partenariat unissant l’Afrique à l’Europe dans un projet commun d’intégration régionale. Idée lancée vers les années 1947 focalisé par les « origines coloniales » de la construction Européenne par les écrivains Hendrik Brugmans, Peo Hassen et Stefan Johnson.

[27] Nabukpo, K., Une solution pour l’Afrique : du néoprotectionnisme aux biens communs, Odile Jacob, Paris, 2022

[28] Idem

[29] En langue Lingala, « Noko » veut dire oncle. Dans le langage courant, les Congolais appellent les Belges leurs oncles en guise de liens de proximité incarnés par le passé colonial.  »La nokologie«  : est un concept qui souligne une croyance à un regroupement de l’Afrique centrale avec la Belgique (population, territoire, richesses…) en un seul ensemble.

[30] Ryckmans, F., Mémoires noires, les Congolais racontent le Congo belge 1940-1960, Racine/RTBF, Bruxelles, 2010

[31] Érick Bruyland, La sape d’un géant. RD. Congo 1960-2020, Racine, Bruxelles, 2021

Patrick Balemba Batumike

Juriste et avocat. Actuellement chargé de recherches et d’animation chez Justice et Paix Belgique.

Formation de Juriste (UCBukavu) et d’avocat. Actuellement chargé de recherches et d’animation. Activiste des droits humains et du genre, il est diplômé en droit romano-germanique, droit international humanitaire, droits de l’Homme et diplômé UGenève en Rédaction des contrats internationaux, SiencePo Paris,… Il possède également une expertise dans le droit diplomatique et consulaire ; ancien Responsable Afrique centrale et membre du Conseil de présidence de Sant’Egidio.

Photo d’ouverture : Photo de Lachlan Dempsey sur Unsplash

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