Coordination Sud, la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale fondée en 1994, nous présente son approche et ses formations en matière de transformation pour des partenariats équitables et respectueux. Cette interview dépeint succinctement les réflexions qui ont mené Coordination Sud à élaborer deux formations sur les partenariats, la première à destination des personnels opérationnels et la seconde pour les personnes décisionnaires.

Coordination Sud, coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale
Interview

Pourquoi organiser ces formations de renforcement des partenariats ? Quels sont les objectifs et enjeux de ces formations ?

La question des partenariats est un enjeu essentiel pour le secteur de la solidarité internationale, et pour Coordination SUD et ses membres, dont la charte éthique[1] rappelle notamment que « [les] actions doivent être fondées sur des partenariats équitables, respectueux de la souveraineté de toutes les parties, au service d’un projet politique et social pour des sociétés inclusives [et] co-construites. ». Cette réaffirmation en faveur des partenariats équitables s’intègre dans une réflexion animée par Coordination SUD depuis 2005 sur le sujet, à travers ses fonctions que sont le plaidoyer, la vie associative, l’appui & le renforcement et la veille & prospective.

Une série de réflexions et d’ateliers menés par différents collectifs et plateformes, dont Coordination SUD, mettent en lumière diverses tendances au sein du secteur de la solidarité internationale[2] ‒ telles que le dépassement des logiques de renforcement de capacités, un partenariat au-delà du cadre du projet, l’inscription dans des dynamiques collectives plutôt que de binôme ou encore la fin de la logique Nord/Sud ‒ et identifient la localisation de l’aide[3] comme un enjeu principal, impactant ainsi les organisations.

Ces mutations impliquent un changement des pratiques en matière d’aide au développement et humanitaire, orientées vers la construction de relations d’égal à égal construites autour d’un objectif commun et de valeurs communes au service d’un projet politique et social.

Par ailleurs, elles transforment en profondeur la nature des partenariats, mais également les postures d’interventions, les stratégies et les logiques organisationnelles, les métiers et les pratiques des organisations, au siège et dans les pays d’intervention.

La compréhension de ce qu’implique une stratégie partenariale équitable, sa mise en place, la capacité à la faire vivre, et le partage de connaissances entres partenaires dans une logique de renforcement continu sont un véritable enjeu aujourd’hui pour les organisations et les équipes.

La formation a pour objectif de permettre aux participant·e·s de relire et d’améliorer leurs pratiques dans le cadre de partenariats stratégiques entre ONG de solidarité internationale et organisations de la société civile locale, au-delà des projets réalisés entre ces acteurs.

À l’issue de la formation, les participant·e·s seront en mesure d’analyser les pratiques existantes dans leur structure, de créer et de mettre en place des outils pour améliorer leurs pratiques partenariales et les rendre plus équitables.

Plus spécifiquement, elles et ils auront acquis :

  • une meilleure compréhension du cycle de partenariat, des typologies
  • des éléments de méthodes et des outils concrets leurs permettant de manager le partenariat de la réflexion initiale à l’évaluation de la mise en œuvre du partenariat
  • des éléments théoriques permettant d’appréhender l’égalité des partenariats et de porter le débat au niveau d’influence nécessaire à apporter un réel changement de culture du partenariat

Quel est le contenu de cette formation ? Quels sont ses outils et approches privilégiées ?

La première journée de cette formation, qui dure 4 jours au total, est orientée sur la réflexion et sert à établir une base solide pour amorcer les changements à venir, les échelonner, et être à même de mesurer leur évolution.

Cette première journée est rythmée entre des apports théoriques (typologies de partenariat, localisation de l’aide, Grand Bargain) et des temps d’analyse (posture individuelle, grille d’analyse organisationnelle, les forces et faiblesses de différentes postures possibles dans le partenariat).

La deuxième session, qui se tiendra sur deux jours, se focalisera sur les pratiques et outils de partenariats stratégiques et équitables : les participant·e·s seront invités à partager et analyser la pertinence des outils existant au sein des organisations représentées. En gardant en perspective le cadre de mesure de performance de la localisation (NEAR), les participant·e·s sont invité·e·s à partager des bonnes pratiques (voir tableau dernière page) visant des partenariats plus égalitaires déjà mises en œuvre dans leurs organisations actuelles.

Le cycle du partenariat sera également décortiqué, chaque phase du partenariat sera analysée pour déterminer quels sont les enjeux et les problèmes rencontrées par les ONG représentées.

Un focus sur l’outil de diagnostic organisationnel et sur le renforcement de capacités clôturera cette session. Les participant·e·s seront exposé·e·s à différents exemples de diagnostic organisationnel visant à rompre avec une approche verticale des relations partenariales.

Suite à ces sessions sur l’évaluation de la situation et la prise de connaissance d’outils et de pratiques, la dernière journée invite les participant·e·s au changement en les incitant à planifier une entrée en action. Cette dernière session est articulée autour des plans d’actions personnels et de réflexions sur des changements concrets à amorcer au niveau organisationnel et stratégique.

La compréhension de ce qu’implique une stratégie partenariale équitable, sa mise en place, la capacité à la faire vivre, et le partage de connaissances entres partenaires dans une logique de renforcement continu sont un véritable enjeu aujourd’hui pour les organisations et les équipes.

Quelle est la plus-value, pour les organisations, de participer à cette formation ?

Au-delà des apports théoriques sur le processus de construction et de développement d’un partenariat équitable et l’opportunité d’introspection sur le positionnement propre à chaque organisation que cette formation permet, les participant·e·s bénéficient également grandement de l’opportunité de pouvoir partager leurs pratiques entre pairs de manière ouverte et bienveillante, et de concevoir une réflexion commune sur les futures possibles et souhaités du partenariat dans le secteur de la solidarité internationale.

De plus, les participant·e·s repartent de cette formation avec un plan d’action concret à mettre en place au sein de leur organisation afin de ramener les éléments de réflexion « théoriques » à un niveau pratique et plus opérationnel.

À quelles limites et difficultés vous confrontez-vous dans cette formation sur les relations partenariales ?

Bien qu’une réelle volonté existe dans le secteur de la solidarité internationale de promouvoir des partenariats équitables et horizontaux, une logique verticale Nord-Sud continue à subsister, surtout dans l’accès aux ressources financières.

Malgré de grands pas vers des partenariats plus équitables accomplis par les acteurs de la solidarité internationale (les organisations à travers leurs actions, mais aussi les bailleurs à travers la mise en œuvre de moyens financier pour favoriser des partenariats plus équilibrés), le concept de partenariat reste trop souvent associé ou confondu avec le renforcement de capacités. « Renforcement de capacités » et « partenariat » ne sont pas équivalents, même si renforcer les capacités est souvent au cœur des objectifs du partenariat.

Le mandat de Coordination SUD est l’appui et le renforcement des organisations de solidarité internationale françaises ; en tant que tel, une formation sur la promotion et le développement de partenariats équitables va principalement toucher les organisations de solidarité internationale françaises.

La formation sur le partenariat a été proposée pour la première fois en 2020 par Coordination SUD à destination d’un public dit « opérationnel », ayant en charge le pilotage des projets et/ou de relations partenariales.

Cependant, comme évoqué précédemment, l’enjeu partenarial vient servir un projet politique et social. De ce fait, l’implication des directions et gouvernances a été identifiée comme une condition nécessaire au travail des relations partenariales, notamment car les évolutions du secteur impacteront institutionnellement et au niveau organisationnel les ONG, notamment occidentales, les obligeants à changer leur positionnement.

C’est pourquoi, Coordination SUD entend proposer dès l’année 2023 deux formations, l’une à destination des personnels opérationnels (et présentée précédemment) et l’autre aux personnes décisionnaires afin de rendre compte des dynamiques à l’œuvre dans le secteur et permettre aux personnes décisionnaires d’anticiper l’évolution structurelle de leurs associations à la lumière de partenariats réciproques et apprenants.

Par ailleurs, les personnels opérationnels se heurtent parfois aux enjeux de posture dans le partenariat. En effet, nombre d’entre eux sont avant tout des gestionnaires de projet. Or, travailler le partenariat équitable nécessite d’être un.e accompagnateur.ice et de délaisser la « casquette » opérationnelle et cadrée autour d’un financement, majoritairement obtenu par une OSC du « Nord » et transféré à une OSC du « Sud ». Aujourd’hui, quelques organisations disposent de postes dédiés de type Chargé·e de partenariats, permettant aux équipes de sortir des logiques de redevabilité et de projet afin de travailler avec les partenaires au-delà du cadre de projet. Les organisations ne disposant pas de ressources suffisantes pour développer cette fonction doivent donc former leurs équipes sur de nouveaux angles d’analyse et d’accompagnement.

Bien qu’une formation sur la nécessité et la mise en œuvre de partenariats équitables soit un bon début, la limite reste le fait que les partenariats équitables doivent être intégrés dans la conception même de la solidarité internationale. Former les organisations de solidarité internationale françaises sur de tels partenariats est une solution, mais cela doit aussi venir des bailleurs, et être co-construit avec les partenaires dans les pays d’intervention.

Partage de bonnes pratiques

Coordination SUD

Coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale

Association loi 1901 fondée en 1994, Coordination SUD rassemble, aujourd’hui, plus de 180 ONG, adhérentes directes ou au travers de six collectifs (CLONG-Volontariat, CNAJEP, Coordination Humanitaire et Développement, CRID, FORIM, Groupe initiatives). Agissant avec et en faveur des populations les plus laissées pour compte, ces organisations mènent des actions humanitaires d’urgence, de développement, de protection de l’environnement, de défense des droits humains, ou encore de plaidoyer et d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale.

Pour le secteur associatif de droit français de la solidarité internationale, Coordination SUD, avec ses organisations membres, assure quatre missions : la promotion et la défense d’un environnement favorable à l’action et l’expression des organisations de la société civile (OSC), l’appui et le renforcement de ces mêmes OSC, la construction et la représentation de positions communes auprès des institutions publiques et privées, en France, en Europe et dans le monde sur les politiques de solidarité internationale ; et enfin, la veille et la prospective sur la solidarité internationale et son secteur associatif, leurs évolutions et enjeux.

Dans le cadre de sa mission d’appui aux ONG françaises de solidarité internationale, Coordination SUD propose des formations professionnelles ouvertes aux personnes salariées, volontaires et bénévoles des ONG de solidarité internationale. La formation est un outil essentiel au service des ONG, permettant d’accroître les connaissances et compétences mais aussi d’approfondir la réflexion et d’encourager l’échange de pratiques entre pairs. L’offre de formations proposée par Coordination SUD a pour but d’accompagner le développement des ONG de solidarité internationale et de les aider à relever les défis liés à un contexte en constante évolution. Il s’agit de renforcer le pouvoir d’agir des ONG de droit français, actrices de changement et promotrices de sociétés soutenables, équitables et inclusives.

Photo d’ouverture : © Photo de Mehmet Kılınç sur Pexels

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