En 2020, le mouvement Black Lives Matter a refait surgir la question coloniale et les violences institutionnelles à l’encontre des minorités raciales comme enjeux et tensions de notre époque. Son influence s’est fait ressentir jusqu’en Belgique, y compris dans le secteur de la coopération au développement. En effet, loin de s’arrêter aux oppressions raciales et ethniques, le mouvement dénonce le système de domination colonial toujours en place.

Equipe Youmanity.org

Le réveil des consciences qu’a engendré BLM a donné naissance à diverses initiatives appuyant la critique du passé colonial belge. Divers travaux portant entre autres sur les enjeux des mémoires coloniales, la décolonisation de l’espace public ou encore sur les  conséquences et réparations à mettre en place ont depuis été portés.

Le secteur de la coopération internationale, de par son historique, n’échappe pas à ce processus de remise en question et s’interroge une nouvelle fois sur son rôle dans le système dénoncé, sur la justesse et le bien fondé de ses actions, sur ses méthodes et dysfonctionnements de certaines pratiques, toujours teintées de colonialisme et d’ethnocentrisme occidental. Loin de se voiler la face sur ses responsabilités et sur l’urgente nécessité de sortir du système inégalitaire de la coopération, plusieurs organisations se sont penché sur le futur de la coopération belge (ngo-federatie et 11.11.11, la DGD avec la VUB, le CNCD 11.11.11 avec son lexique de termes décoloniaux ou encore, très récemment, Acodev à travers le lancement du groupe de travail “partenariat égalitaire”), pour ne donner que quelques exemples.

Sortir des normes occidentalisées

Engager le secteur des organisations non gouvernementales vers une décolonisation des rapports Nord-Sud et l’équité partenarial implique de multiples éléments constitutifs du système et de notre secteur : sortir de l’ethnocentrisme et des normes occidentalisées, remettre en cause les rapports de pouvoir et de domination, questionner la manière dont les financements sont alloués, les projets pensé et exécuté, revoir la sémantique qui y est associée ou encore avoir une réelle réflexion sur nos positions adoptées, les objectifs visés et les stratégies déployées. EC a choisi de travailler les relations humaines qui se jouent au sein des dynamiques partenariales et qui sont aujourd’hui au cœur de nos pratiques de co-opération.

Le partenariat, rhétorique usuelle des relations Nord-Sud, est traversé de tensions multiples et cache souvent des rapports de pouvoirs qui ne disent pas leur nom. Si le thème du partenariat peut sembler éculé pour certains, il reste complexe et interpellant. La relation partenariale en elle-même est d’ailleurs trop souvent évacuée au profit du projet et de ses objectifs. Aborder le sujet des partenariats est donc un travail délicat qui doit nous pousser à développer une attitude réflexive sur nos pratiques les plus “évidentes” et peut constituer un exercice fédérateur pour nos organisations.

Si Louvain Coopération, la Haute Ecole Léonard De Vinci et Echos Communication s’interrogeaient déjà, chacun de leurs côtés, sur la qualité de leurs relations partenariales depuis un certain temps, la réflexion a été poussée un cran plus loin avec l’organisation, le 14 novembre 2022, d’une journée d’étude pour une pratique partenariale décolonisée dans le secteur de la coopération internationale.

À travers l’organisation de cet événement ayant pour ambition, d’une part de mettre en lumière la complexité et l’importance d’interroger ses relations partenariales et d’autre part, de partager des réflexions et pratiques innovantes en matière de partenariat, les trois institutions souhaitent initier un mouvement de réflexion et de travail vers des relations partenariales plus équilibrées. En ce sens, nous adoptons une position orientée solution. En tirant des leçons du passé, nous créons des espaces de réflexions, d’échanges et d’actions en mobilisant les savoirs et expériences des actrices et acteurs de la coopération. Ceci dans le but de développer une attitude commune réflexive, favoriser le partage de pratiques innovantes et construire, collectivement, un chemin vers des relations partenariales équilibrées. Aujourd’hui, toujours sur la même lancée, nous présentons un dossier reflétant l’état actuel des réflexions empiriques et universitaires.

Une attention portée aux tensions

Ce dossier, né des multiples interventions de la journée d’étude, s’inscrit dans la même logique de questionnement de nos pratiques et de mise en lumière des dysfonctionnements et difficultés inhérentes aux partenariats internationaux. La sémantique ici choisie de “dynamique partenariale” n’est, en ce sens pas anodine. Nous acceptons l’idée que celles-ci sont mouvantes et qu’il convient de les interroger régulièrement afin de les entretenir, de les évaluer, de les améliorer et, le cas échéant, d’y mettre un terme.

Posez-vous la question : prenez-vous le temps d’interroger vos relations, leurs implicites, leurs enjeux et leurs motivations ? Pris dans les activités à mener au nom de résultats à atteindre, que faites-vous réellement de la relation humaine en cours ? Etes-vous attentif·ve aux tensions qui peuvent prendre racine dans les réalités opérationnelles et temporalités décalées ? Tant de questions essentielles à la mise en place et à la réussite de tous projets de coopération et pourtant, sont-elles réellement travaillées ?

Posez-vous la question : prenez-vous le temps d’interroger vos relations, leurs implicites, leurs enjeux et leurs motivations ? Pris dans les activités à mener au nom de résultats à atteindre, que faites-vous réellement de la relation humaine en cours ? Etes-vous attentif·ve aux tensions qui peuvent prendre racine dans les réalités opérationnelles et temporalités décalées ? Tant de questions essentielles à la mise en place et à la réussite de tous projets de coopération et pourtant, sont-elles réellement travaillées ?

Une série de contributeur·rices de la coopération internationale ont souhaité vous partager leurs expériences et leurs travaux[1] tel·les que le trio de chercheuses Elena Aoun, Lyla André et Alena Sander de l’UCLouvain, Jean-Paul Katond professeur à l’Université de Lubumbashi, Olga Navarro-Flores de l’UQAM à Montréal, Gautier Pirotte membre du laboratoire OMER à ULiège, Haddy Mbuyi Katshiatshia de l’Université de Kinshasa, Annick Honorez professeure à l’HEPN, Thierry Amougou professeur à UCLouvain et chercheur associé au CETRI mais également d’autres acteur·rices du secteur de la coopération internationale comme Stéphanie Merle de Louvain Coopération, Chafik Allal d’Iteco, Coordination Sud, Ana Pérez Declercq de l’Observatoire contre les violences faites aux femmes à Salta, Emmanuel Ndione d’Enda Graf Sahel à Dakar, Véronique Paternostre du CNDC 11.11.11, Patrick Balemba Batumike de Justice et Paix, Benoît Naveau d’Autre Terre, Delphine Saugues coordinatrice d’un centre d’accueil pour MENA, Marius Rabelai Nkounawa d’Inter-mondes ou encore Étienne de Leeuw d’ACODEV, Vincent Pradier de Coordination Sud et notre collègue, Inès Vanderlinden d’Echos Communication.

De la rencontre, de la collaboration, du partage et de l’échange émergent les idées les plus inattendues, les plus créatives. C’est pourquoi Youmanity est une plateforme participative, où chacun·e apporte sa contribution à son niveau : réflexion, partage d’expérience, production de contenu, enquêtes, analyses… Nous misons sur la participation des acteur·rices de la coopération afin d’ouvrir des espaces de dialogue et faire émerger des solutions, à partir de son expertise ou de ses expériences individuelles et collectives. Cette plateforme est la vôtre, elle n’attend qu’à s’enrichir de vos idées, questions, témoignages, réflexions et retours d’expériences ! Cliquez-ici pour soumettre une proposition de contribution.

De part son engagement sociétal, Echos Communication a un devoir et une responsabilité publique en matière d’équité de genre et de sexe. Notre organisation se doit de lutter, à travers ses projets et sa communication, contre les stéréoptypes de sexe limitants et hétéronormés, les discriminations, l’invisibilisation et toute les formes de sexisme. Ainsi, comme beaucoup d’organisations notamment ONU Femmes, nous reconnaissons l’écriture inclusive comme outil de la promotion de l’égalité des sexes. En ce sens, nos contributions adoptent l’écriture inclusive. Cependant, nous n’assumons pas cette responsabilité concernant les contributions externes. Celles-ci étant rédigées selon les critères dudit·de ladite auteur·rice.

Coordination du dossier réalisée par Inès Vanderlinden. Graphisme et mise en page par Thierry Fafchamps avec l’appui de Marion Trausch, chargée de communication.

Photo d’ouverture : © Pok Rie – Pexels

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