J’ai choisi ce morceau d’un tableau de la plasticienne franco-algérienne Sonia Merazga, car il évoque à mes yeux la défiguration. Il fait écho au vécu des femmes migrantes en tant que femmes et en tant que racisées. Mais également en tant qu’invisibilisées, ombres, corps et êtres dont on ignore les savoirs, forgés en amont et au fil de la confrontation avec les discriminations raciales. © Sonia Merazga, « Innocence perdue »

Article découpé arbitrairement en trois partiés égales : deuxième partie.

Première partie d’un article en trois volets.
Deuxième partie d’un article en trois volets.
Troisième partie d’un article en trois volets.

Les lieux d’accueil des migrant·es, et notamment les associations où l’on donne des cours d’alphabétisation, sont le terrain d’étude que Jérémie Piolat a choisi pour sa recherche anthropologique actuelle. Loin des clichés condescendants sur les personnes étrangères, il questionne les imaginaires de femmes migrantes lors d’ateliers d’écriture. Et révèle un fossé entre les perceptions des enseignantes associatives et le vécu des femmes exprimé dans les textes produits. De ce choc naît l’idée de confronter les imaginaires dans une thèse qui sera défendue le 19 octobre 2020 à l’UCL. Youmanity a tendu son micro à l’anthropologue français pour creuser la thématique de la décolonisation et – pour reprendre ses termes – de la décolonialisation.

L’article a été découpé en trois parties arbitrairement égales. Ceci est la deuxième partie.

Dans mes ateliers, la majorité des femmes marocaines de 40, 50, 60 ans ne vont pas parler forcément ou directement de leur corps (je n’invite d’ailleurs aucune des participantes à le faire). Elles peuvent en revanche évoquer des expériences intimes extrêmes, comme un viol qu’elles – ou une de leurs proches – ont connu, mais de manière à la fois discrète et explicite. Ainsi, Fatna, une des femmes de l’atelier chez Diane, issue d’une famille pauvre au Maroc et ayant été mariée à 11 ans, et enceinte à 12 ans (dans les années 1960), dira, pour évoquer ce qu’elle considère comme son viol : « Je détestais partager mon lit avec mon mari ». Cela suffit, vu ce que raconte en amont le texte, pour expliciter clairement ce qu’elle a subi. Et, en même temps, elle ne rentre pas dans les détails, comme s’il fallait dire sans montrer, pour préserver la part intime de son corps blessée. Mais les femmes guinéennes (majoritairement plus jeunes), qui par exemple ont été excisées (et s’affirment pourtant attachées à d’autres dimensions de leur culture, telle la solidarité familiale), parlent de leur corps, de leur intimité de manière plus explicite. Elles décrivent notamment l’excision et ses effets de manière très brut et précise. Et quand elles parlent comme ça, elles ne sont jamais rejetées par les marocaines. Jamais.

Autre exemple, Chantal, une femme congolaise et chrétienne, très importante dans ma monographie (qui sera le texte de ma thèse), était vue un peu comme une femme frustrée par les enseignantes. Elle était vue comme une femme trompée par son mari, abandonnée. Elle était également perçue comme une femme n’ayant jamais connu l’amour. Pourtant elle a vécu de vrais moments d’amour avec son mari et elle en parle et a écrit là-dessus. Et c’est par ailleurs une femme qui est une maître en danse. Donc la question du corps ne peut être abordée sans questionner la manière dont chacun ou chacune vit son corps, sans questionner son propre rapport au corps. Tout dépend en fait de la manière dont on entend le mot corps, au sens strict, biologique ou élargi.

Dès les premiers ateliers d’écriture que j’ai organisés auprès des femmes migrantes de Diane, j’ai été mis en présence de toute une constellation de savoirs, et d’évocations du corps, dont ne rendait pas compte la façon dont les enseignantes blanches parlaient du corps des migrantes et de leur relation au corps. Donc ma recherche est partie de là, et à ce stade ce que je voulais faire n’était pas à proprement parlé décolonial. Je ne me suis pas dit que j’allais faire une ethnographie décoloniale. Je voulais juste mettre en évidence un certain décalage entre les différentes manières dont les auteures migrantes vivaient et pensaient le corps, et la façon dont les enseignantes parlaient du rapport au corps des migrantes. Tout dépend en fait, après, des situations et en conséquence des questions qui émergent sur le terrain. Et puis, très vite, au fil de ce qui est advenu sur mon terrain, la question de la colonialité et de la décolonialité se sont imposées.

Par exemple, à partir du moment où j’ai voulu faire mon ethnographie chez Diane et chez Care, les deux associations m’ont en fait un peu fermé leur porte. Très peu voulaient que j’observe les cours. Puis il m’a été signifié clairement qu’il était hors de question que je participe aux réunions d’équipe, et que je les observe. Comme s’il y avait des choses à cacher, des choses qu’on ne voulait pas que je vois et dont on ne souhaitait pas que je parle. D’autre part, Il y a eu peu d’enthousiasme de la part des associatifs euro-descendants. Dans chaque structure, une ou deux enseignantes eurodescendantes voulaient bien participer aux entretiens mais sans enthousiasme (les enseignantes et travailleurs ou travailleuses racisée·s se sont, elles et eux, montré·es beaucoup plus ouverts). Et il y avait également un désintérêt chez les eurodescendant·es vis-à-vis de mon projet de questionner les imaginaires des deux groupes, enseignant·es et public migrant, et d’identifier les éventuelles aspérités entres ces imaginaires. C’était pourtant, je pensais, une question assez ouverte et peu inquiétante ou critique. Et la réponse a été NON ! Et, du côté des enseignantes blanches, très majoritaires sur mes terrains, ça n’a jamais été un « ah oui, c’est intéressant, j’aimerais parler de ce que je suis, j’aimerais pouvoir parler de mon métier, de ce que je vis ». Ma recherche n’a pas été perçue par les enseignantes blanches comme une opportunité de rendre visible et penser les complexités de leur métier. Elles ne voulaient pas en parler, et même quand les entretiens ont eu lieu, les propos sont restés souvent très généraux. Les enseignantes parlaient très peu d’elles-mêmes. Elles parlaient surtout de leur public, elles ne parlaient qu’en tant que travailleuses associatives.

Les auteures migrantes des ateliers partent souvent de l’intime, de leur histoire, de leurs blessures pour, ensuite, poser une problématique plus large, relative par exemple au statut des femmes, des racisé·es, ou relative au fait de savoir faire de sa souffrance une force (thème qui revient souvent dans les écrits et paroles des migrantes de mes terrains). Chez les enseignantes blanches, cette dynamique, ce mouvement de l’intime au politique, n’a pas eu lieu durant les entretiens ou les discussions informelles.

Sur mes terrains force est de constater que les migrantes – et aussi les migrants – font souvent montre d’un vrai pouvoir que j’appellerai aisthésiste. Elles sont capables – on le voit dans leurs textes ou leurs paroles – de percevoir, comprendre et décrire ce qu’elles ressentent, sensoriellement et émotionnellement. Elles ne diront pas seulement « oui, la relation à la nature est une question importante » ou « l’exil, c’est dur ». Elles partiront de la description précise d’une de leur sensation, déterminée par leur relation à une part de la nature – par exemple l’océan –, et, à partir de ça, elles aboutissent à une conclusion plus politique, sociale ou générale sur la relation de l’humain à la nature, ou au milieu vivant non humain[1], mais aussi sur l’exil, l’absence des proches, la douleur, leur condition de femme ou de racisé. Cette capacité à entrelacer émotion, intimité et critique, je l’ai rencontrée chez les migrantes et migrants de mes terrains, et, également, chez la plupart des enseignantes descendantes de migrants (travailleuses minoritaires sur mon terrain). En revanche, je ne l’ai pas rencontrée chez les blancs euro-ancrés et souvent même euro-centrés de mon terrain. Il y a, chez ces derniers, comme une coupure ou un silence entre l’intime et le politique. Décolonialiser les savoirs, ici – c’est-à-dire les savoirs occidentaux ou se percevant comme tels – c’est également interroger cette coupure.

Il y avait là toute une constellation de savoirs et d’utilisation, d’évocations du corps chez ces femmes migrantes dont ne rendaient pas compte la façon dont les enseignantes blanches parlaient du corps des migrantes.

[1] ABRAM D., 2011, « Comment la terre s’est tue », Paris, La découverte / Les Empêcheurs de penser en rond.

[2] Je précise que je considère qu’une culture est toujours, à mes yeux, en devenir et en même temps ancrée dans un long processus de transmission.

[3] FASSIN D., 2009, « Nommer, interpréter. Le sens commun de la question raciale », in De la question sociale à la question raciale, 2006-2009, dir Didier Fassin et Eric Fassin, Paris, La Découverte/Poche.
FASSIN D. et FASSIN E., 2009, « Des questions bonnes à penser » in De la question sociale à la question raciale, 2006-2009, dir Didier Fassin et Eric Fassin, Paris, La Découverte/Poche.
FASSIN E., 2009, « La démocratie sexuelle contre elle-même. Les contradictions de la politique d’« immigration subie » », Paris, Vacarme, (N° 48).

[4] GUENIF-SOUILLAMAS N., 2000, « Des «beurettes» aux descendantes d’immigrants nord-africains », Grasset, Paris, cité par Delphy C., 2008, « Classer Dominer », Paris, La Fabrique.
GUENIF-SOUILLAMAS N., 2005, « La fin de l’intégration, la preuve par les femmes », Paris, Mouvements (n° 39-40), p. 150-157.
GUENIF-SOUILLAMAS N., 2006, « Le balcon fleuri des banlieues embrasées », Mouvements (n°44), p. 31-35.

[5] PIOLAT, J., 2019, « Impossibilité et possibilité de la rencontre épistémique « multiverselle » » in Les Langues-cultures, Editions Du Croquant.

J’ai dit que ce qui m’intéresserait en faisant des ateliers d’écriture avec des publics migrants ce serait qu’ils puissent mettre en lumière leur culture, leurs savoirs et le regard qu’ils portent sur l’Europe. Elles se sont regardées entre elles comme si j’étais un fou et m’ont dit « tu ne te rends pas compte, ces femmes n’ont pas de savoirs, n’ont pas de culture ».

Après, il est vrai que, par ailleurs, j’avais aussi observé depuis 2006 certains discours disqualifiants et de bonne foi sur le public migrant. Par exemple, chez Diane en 2006 (chose que je n’ai pas vue par la suite, durant plusieurs années, dans cette association). Quand je suis arrivé, en 2006, pour mon premier atelier d’écriture, on m’a demandé ce que je comptais faire : trois enseignantes, qui travaillaient là depuis 10 ou 15 ans, m’ont dit d’abord « attention, ça va être difficile, tu es un homme, elles risquent d’avoir peur de toi ». J’ai pris note et j’ai dit ensuite que ce qui m’intéresserait, en faisant des ateliers d’écriture avec des publics migrants, ce serait qu’ils puissent mettre en lumière leur culture[2], leurs savoirs et le regard qu’ils portent sur l’Europe. Les trois enseignantes se sont regardées entre elles comme si j’étais un fou et m’ont dit « tu ne te rends pas compte, ces femmes n’ont pas de savoirs, n’ont pas de culture ». C’est le premier événement fondateur de ma rencontre avec le milieu de l’alphabétisation. Énoncer les migrantes du public comme sans culture (quel que soit le sens que l’on donne à ce mot) et sans savoir est fortement interpellant.

C’est un peu comme un incident critique, comme on le nomme en communication interculturelle ?

Oui, c’est vraiment inattendu, une surprise, un incident critique. Mais c’est à mes yeux un incident moins interculturel qu’inter-politique en fait. C’est-à-dire que ce discours là sur ces « femmes migrantes, musulmanes, africaines, extra-occidentales, sans savoirs » ne vient pas de l’expérience des enseignantes avec les femmes migrantes. Il vient de certains discours qui, en 2006, déjà, étaient régulièrement véhiculés depuis des années par les médias et de nombreux politiques[3]; discours sur les migrants et personnes extra-occidentales, notamment les musulmanes, subsahariennes ou maghrébines, où ces dernières étaient présentées comme des femmes soumises à leur mari[4], peu instruites, réduites au fait qu’elles ne savaient pas lire (ou qu’on se l’imaginait). Ces discours ont circulé jusque dans l’associatif où règne parfois l’idée de femmes migrantes devant cacher à leur mari qu’elles suivent des cours – d’autant plus si c’est avec un homme. Ce qui peut arriver mais qui s’est avéré majoritairement faux dans le cas de la majorité des migrantes rencontrées sur mon terrain !

Et puis, à partir de 2014, j’ai pu observer qu’il y avait des discours et attitudes, chez certaines enseignantes blanches de Diane, plus ambigus et violents que je ne l’aurais imaginé. J’ai découvert notamment que certaines enseignantes pratiquaient la chasse à la prière, soit qu’elles vérifiaient si, durant les pauses des cours, certaines femmes musulmanes ne priaient pas discrètement – assises sur une chaise – dans une salle vide. J’ai découvert que ces enseignantes ouvraient les portes des salles a priori vides et que, lorsqu’elles voyaient une migrante prier, elles le leur reprochaient et leur disaient que c’était interdit dans l’association et que l’association était un espace laïc, etc. Parfois, ces enseignantes en discutaient entre elles durant les repas d’équipe et disaient qu’il fallait tenir et continuer à repérer et sermonner les migrantes récalcitrantes (je cite), que c’était important que l’Islam ne prenne pas trop de place dans l’association. Et puis j’ai entendu une enseignante décrire certaines femmes du public comme frustrées et frustres. Par ailleurs, chez Diane et dans d’autres associations, était souvent évoquée la présupposée sur-fécondité des femmes africaines, autrement dit le fait qu’elles faisaient « quand même beaucoup d’enfants ».

Sur les sites internet où différentes associations d’éducation permanente présentent leurs finalités, j’ai pu lire que l’on énonçait le public migrant comme en besoin « d’outils de compréhension du monde », ou encore comme ayant peu accès à la culture, ou comme souffrant d’ « emprise familiale ». Et chez Diane, j’ai entendu de très violents discours sur l’Islam, et je me suis rendu compte que le discours sur les femmes migrantes musulmanes tendait à les énoncer, d’une part, comme des pauvres femmes n’ayant pas eu la chance d’être scolarisées, d’autre part comme des femmes « trop soumises à leurs hommes car islamiquement trop pratiquantes » (je cite) et parfois même comme missionnantes, soit en désir d’islamiser la société, bref comme une menace.

Il se fabrique en fait, dans une certaine part du discours associatif, une sous-catégorie symbolique féminine, une sorte de sous-genre : celui de la femme musulmane racisée, censée être plus dominée, plus docile et moins instruite que les femmes blanches ou euro-descendantes, et en même temps coupable de sa servitude car de plus en plus pratiquante et voilée. Discours qui institue, en miroir, une sous-catégorie masculine : celle de l’homme africain et (ou) musulman, énoncé comme plus dominateur, plus violent, plus patriarcal, plus archaïque que l’homme blanc.

Force est de préciser à ce point que la manière dont les migrantes musulmanes vivent et font usage de leur religion, pour se construire en tant que femmes porteuses de postures d’émancipations, et comme racisées, ne correspond en rien aux discours associatifs[5].

Enfin, ma place d’ethnographe m’a permis également de comprendre que chez Diane, en dépit de sa réputation « fondamentalement antiraciste », « à la pointe de l’antiracisme », etc., on débat encore sur le fait d’engager une accueillante (sorte de réceptionniste, chargée d’accueillir toute personne entrant chez Diane et de répondre au téléphone) voilée. Dans cette association encore, il est impensable qu’une formatrice puisse venir travailler voilée. Et, enfin, donnée peu négligeable, l’immense majorité des formatrices en FLE, et des responsables de secteur, sont euro-descendantes. Était-ce, au-delà de certains discours et postures, également cela que l’on a essayé de me cacher lorsqu’on m’a un peu fermé les portes ? : le fait que, quels que soient les arguments et convictions sincères dont use Diane pour se présenter et se justifier, les discriminations de nature raciales, à l’embauche et relatives à la répartition des différentes fonctions, sont également à l’œuvre, comme dans le reste de la société, dans cette association dont on dit que « l’antiracisme fait partie de son ADN ».

Peux-tu nous parler de ton travail avec les femmes migrantes ?

Depuis 2006, dans chaque atelier, le lien avec elles se fait souvent très vite. Alors effectivement, je vais les inviter à parler sur les différences qu’elles voient entre leur pays d’origine et le pays d’immigration, ce à quoi elles sont attachées, sur les savoirs et les conceptions, la philosophie qu’elles portent. Cela a participé favoriser le lien et aussi le fait qu’elles et ils écrivent assez vite (j’ai aussi travaillé avec des hommes par la suite). En fait, je me rends compte alors très vite que l’image qui est véhiculée par l’association et le monde associatif ne correspond pas du tout à ce que les migrants et migrantes sont. Et que la manière dont sont perçues les femmes migrantes par les enseignantes euro-descendantes de Diane et d’ailleurs vient d’abord d’un vide relatif à la connaissance que ces dernières pourraient avoir des pays et univers d’origine de ces femmes migrantes, de leur culture, des savoirs qu’elles portent, et que ce vide est rempli par le discours médiatique. Ou plutôt par un discours « instauré médiatiquement comme savoir » en vertu duquel les hommes extra-occidentaux et de préférence musulmans ou (et) africains sont présentés comme hypra sexistes, machistes, dominants, et où les femmes musulmanes sont énoncées, elles, comme hypra dominées, et complices de leur domination car voilées, etc. En 2006, les femmes marocaines de Diane étaient quasiment toutes voilées. Dans les ateliers d’écritures que j’ai continué à organiser pendant ma recherche, chez Diane par exemple, 90 %, des femmes musulmanes, toute origine confondue sont voilées. Lorsque l’on entend, « ces femmes n’ont pas de culture, pas de savoirs », c’est encore le discours ou fantasme médiatique sur les femmes voilées que l’on perçoit, et qui a impacté le milieu associatif.

Article découpé arbitrairement en trois partiés égales : deuxième partie.

Première partie d’un article en trois volets.

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Du sudalisme. Ethnographie d’une alphabétisation ambiguë et d’un dangereux clivage.
Auteur : Jérémie Piolat, anthropologue, boursier FRESH (FNRS-FSR), au sein du LAAP, (Laboratoire d’Anthropologie Prospective), Institut IACCHOS, UCL.

Troisième partie d’un article en trois volets.

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Auteur : Jérémie Piolat, anthropologue, boursier FRESH (FNRS-FSR), au sein du LAAP, (Laboratoire d’Anthropologie Prospective), Institut IACCHOS, UCL.

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